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valère gille

Les vaches aux pieds ronds reviennent des travaux,
Tout est bien ; le chien veille et notre lait se caille.

Près du ruisseau qui rit dans son lit de rocaille
Et dont le vif-argent[1] fuit en mille écheveaux,
Viens sous l’orme, avec moi, goûter les vins nouveaux,
En cadençant nos chants sur la lyre d’écaille.

Ce bosquet, qu’un derier rayon d’or colora,
Te plaît-il ? Avançons. Aux bruits de l’Agora[2]
Je préfère l’oubli dans cette humble retraite.

Et qu’un autre à présent rêve un destin guerrier,
Il m’est plus doux, ami, de couronner ma tête
Du myrthe pacifique et du chaste laurier.



La Prière à Athèna[3].

— Immortelle aux yeux clairs, Athèna, dont je vois
Resplendir dans le ciel la lance protectrice,
Ô Terrible, ô Guerrière, ô chaste Inspiratrice,
Fais entendre à mon cœur ta forte et douce voix !

Ô Sage, éclaire-moi, Pallas, Vierge sacrée,
Que je puise à mon tour à ton divin trésor !
Descends, descends en moi, subtile flamme d’or,
Intelligence, Esprit de Zeus, Verbe qui crée.

Ô Déesse au grand cœur, en ce jour j’ai surpris
Les secrets de ton âme harmonieuse et fière
Sur ton auguste front, dans tes yeux de lumière
Et dans ces bois sacrés, pleins de nobles esprits.

Vers le temple éclatant que ta lance protège
J’irai, portant des fleurs, avec le peuple entier ;
Tu me verras, tremblant, gravir l’étroit sentier
Parmi les chœurs émus qui forment ton cortège.

  1. Nom donné au métal liquide le mercure, à cause de sa mobilité et de sa couleur.
  2. Place publique (du grec άγορά).
  3. Extrait d’une pièce intitulée « Vers la Beauté », dans La Cithare (1897). — Athèna (Minerve) protectrice de la cité de Périclès, qui lui érigea l’admirable Parthénon, en 447-434, était la déesse de la sagesse et de l’intelligence. Elle était représentée sur l’Acropole par une colossale statue en bronze, œuvre de Phidias, dont les navigateurs voyaient, dit-on, briller la lance et le casque dès qu’ils avaient doublé le cap Sunion, à l’extrémité de l’Attique.