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chrestomathie française

Ceux qui se sont soumis comme des chiens serviles.
Il a vu trois cents fils de Sparte aux Thermopyles[1],
Après s’être battus ainsi que des lions,
Égorgés à la fin par ses deux millions.
Il est fier : n’a-t-il pas la force avec la ruse ?
Il a fait proclamer sa victoire dans Suse ;
Et maintenant qu’il a pour trône le sommet
Du mont Oegaléos[2] où la mer se soumet,
Il veut, ce jour, ayant Athènes pour rivale,
Se donner le plaisir d’une lutte navale.


IV

Les flottes d’un élan se sont jointes : le choc
Retentit formidable, et roule et se disperse ;
Le ciel s’est obscurci sous une noire averse
De traits, et les flots lourds se heurtent tout d’un bloc.

De nos vaisseaux Arès[3] se sert comme d’un soc
Pour labourer ses champs. Les navires du Perse
Se sont cabrés, et sous le rostre qui les perce,
Refoulés vers la rive, éclatent sur le roc,

La nuit monte, et toujours luttent les plus illustres…
Sur le pont, à la proue, accrochés aux aplustres[4].
Mais voici que la lune épanche sa clarté…

Et l’on voit, tout à coup, resplendir la Patrie,
Les sommets glorieux et le golfe argenté,
Et la mer, libre enfin, de cadavres fleurie.



Euripide[5].

Nous ne l’entendrons plus, le divin rossignol,
Dont la voix amoureuse émerveillait Athènes :

  1. Allusion à Léonidas et à ses guerriers qui se sacrifièrent pour sauver la Grèce.
  2. Ou plutôt Ægaleos (aujourd’hui Skaramanga), chaînon montagneux, prolongement du Parnès, qui vient mourir en face de l’île de Salamine. Sur l’un de ses mamelons, Xerxès avait fait placer son trône d’or pour assister à la défaite des Grecs et c’est de là qu’il vit le désastre de sa flotte.
  3. Arès (en latin Mars), fils de Jupiter et de Junon, dieu de la guerre.
  4. Emprunté du latin aplustra, pièce de bois au haut de la poupe.
  5. Extrait de La Cithare. — Euripide est, avec Eschyle et Sophocle, le plus célèbre tragique grec. Il composa un très grand nombre de pièces, dont il nous reste dix-neuf, parmi lesquelles : Antigone, Médée, Andromaque, Les Troyennes, Iphigénie à Aulis. Né a Salamine, en 480, le jour de la bataille qui libéra la Grèce, il se retira à la cour de Macédoine et mourut, probablement en 405, tragiquement, dévoré par des chiens, à Aréthusa où le roi Archélaüs se trouvait alors pour des chasses.