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Page:Sensine - Chrestomathie Poètes, Payot, 1914.djvu/621

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charles van lerberghe

L’heure jeune de soleil gai,
L’heure lassante qui pleure,
Les heures après les heures
Défilent lentes ou gaies,
Le long des quais.



Œuvres à lire d’André Fontainas (Veuve Monnom, Bruxelles ; Librairie de l’art indépendant, Paris ; Société du Mercure de France, Paris, éditeurs) ; Le Sang des Fleurs (1889) ; Les Vergers illusoires (1892) ; Nuits d’Épiphanie (1894) ; Les Estuaires d’ombre (1896) ; Crépuscules (1897) ; L’Eau du Fleuve (1897) ; Le Jardin des Îles claires (1901). — Critiques à consulter : Pierre Quillard, Mercure de France (septembre 1894) ; Henri de Régnier, Portraits du prochain siècle (1894) ; Remy de Gourmont, Le IIe Livre des Masques (1898) ; E. Demolder, Art Moderne (10 septembre 1899).




CHARLES VAN LERBERGHE

Né à Gand en 1861, mort à Bruxelles en 1907.

Ce doux poète, qui voyagea beaucoup, séjourna assez longtemps à Florence. Du pays de la Renaissance il rapporta le goût de la vie, tout en gardant celui du rêve. Pour la double tendance de son esprit, on pourrait l’appeler : un païen mystique. Le symbolisme occupe, dans son œuvre une place importante, car il subit, comme tous les jeunes de sa génération, l’influence de Mallarmé, de Gustave Kahn, de Moréas. Pourtant il ne tomba jamais dans l’imitation servile, dans le pastiche maladroit où s’enlizèrent tant de poètes mal inspirés. Il garda toujours sa spontanéité et sa fraîcheur d’âme. Dans sa dernière œuvre, il apparaît dégagé de toute emprise livresque. Les vers de van Lerberghe ont un tour exquis ; ce sont musiques berceuses et câlines, qui viennent, comme de doux frôlements de brise estivale, caresser l’âme délicieusement. Peu de poètes ont, au même degré que lui, le charme de la douceur et de la grâce.

Rêverie[1].

À quoi, dans ce matin d’Avril,
Si douce et d’ombre enveloppée,
La chère enfant au cœur subtil
Est-elle ainsi tout occupée ?

La trace blonde de ses pas
Se perd parmi les grilles closes ;
Je ne sais pas, je ne sais pas,
Ce sont d’impénétrables choses.

Pensivement, d’un geste lent,
En longue robe, en robe à queue,
Sur le soleil au rouet blanc
À filer de la laine bleue.

  1. Extrait de Entrevisions (1898).