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fait aimer la Roumanie. Son talent grandira encore ; quels que soient les sujets qu’elle adopte, soyons sûrs qu’elle en fera jaillir une source de noble poésie. Et remercions cette femme charmante, ce noble cœur, ce délicat et vigoureux esprit, d’avoir choisi notre langue pour exprimer ce qu’il y avait en elle de plus profond.


L’écriture[1]


Dans ta douce et fière nature
Tout me charme, tout a du prix,
Aussi j’aime ton écriture
Autant que ce que tu m’écris.

Elle est hautaine, elle est virile.
Fine, élégante, et l’on croirait
Qu’un peu de ta grâce fébrile
Y mêle son furtif attrait.

Rien qu’à la voir, mon cœur en elle
Retrouve ce qu’il aime en toi.
Et chaque lettre me rappelle
Quelque intime et profond émoi.

De tes pensers, de ton sourire.
Ta plume prend le coloris ;
Les mots les plus tristes à lire
Me sont doux quand tu les écris.

Un mot de toi me fait renaître
Et je pourrais sur mon chemin
Croire au mot de bonheur, peut-être.
S’il était écrit de ta main.


Chant de guerre[2].


Le vent gémit, le vent apporte
L’immense rumeur des combats !
Vois passer la noire cohorte,
Le sol tressaille sous ses pas.
L’air est rouge, les cieux livides,
Sous le vol des corbeaux avides,

  1. Extrait des Chants d’aurore (1886). Le premier ouvrage de l’auteur ; il fut couronné par l’Académie française et c’est Leconte de Lisle qui emporta le vote de la commission en lisant le farouche Chant de guerre cosaque.
  2. Extrait des Chants d’aurore.