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chrestomathie française


Que ton souffle m’anime, et que dans la clarté
De tes regards sereins s’envolent mes pensées !
Et, lorsque sur ta lèvre elles seront posées,
Tu leur enseigneras le Vrai par la Beauté[1].
 
D’un cœur nouveau je te salue, ô nouveau monde !
Je renais à la vie et bénis d’autres dieux
Qui, nés de la splendeur du jour mélodieux,
Veillent avec amour sur la terre féconde.

D’un peuple adolescent incarnant l’idéal,
De l’Olympe neigeux, ces fils heureux des âmes,
Ces gardiens indulgents, vêtus d’or et de flammes,
Sont vers nous descendus dans l’éther matinal.

De leurs cheveux soyeux s’épanche l’ambroisie
En rosée odorante au sein des fleurs d’avril ;
L’océan les soulève en un rythme subtil.
L’air les porte aux autels sur la roche choisie.

Ces grèves, ces vallons, ces sources et ces bois
Sont pleins de leur sourire et pleins de leur pensée ;
La rose est à leur souffle embaumé balancée,
Les arbres chevelus tressaillent à leur voix.

Des temples d’Eleusis[2] aux chênes de Dodone[3],
Des sommets glorieux aux rivages vermeils.
Ils se révèlent par leurs bienveillants conseils ;
Et l’homme confiant à leurs soins s’abandonne.

Il leur rit ; et parmi leur cortège joyeux,
À leur bouche de miel recueillant la sagesse,
Il goûte leur bonheur, partage leur ivresse,
Il bénit la nature en entr’ouvrant les yeux.

C’est le temps des héros et des vertus viriles :
Un amour généreux l’attache à la Cité ;
Il lutte pour l’autel et pour la liberté,
Ou remplit les vallons de ses tendres idylles.

  1. Lire dans le premier volume de cette Chrestomathie, page 363, le morceau de Renan : La Prière sur l’Acropole.
  2. Localité située près d’Athènes où l’on célébrait les mystères en l’honneur de Cérés et de Proserpine. Voir page 412, note 1 .
  3. Ancienne ville d’Epire, célèbre pour son sanctuaire de Zeus et son bois sacré dont les chênes rendaient des oracles. L’archéologue Karapanos en a découvert les ruines, en 1875, à 18 kilomètres de la ville de Janina.