Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/117

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& il contemplera toujours les fantômes de ſon imagination, & ſes yeux ne verront jamais la nature.

Et ſemblable aux empiriques, qui font exprès des bleſſures, pour montrer l’excellence de leur baume, il empoiſonnera les âmes pour avoir la gloire de les guérir, & le poiſon agira violemment ſur l’eſprit & ſur le cœur, & l’antidote n’opérera que fur l’eſprit, & le poiſon triomphera,

Et il ſe vantera d’avoir ouvert un précipice, & il ſe croira exempt de tout reproche, en diſant : Tant pis pour les jeunes filles qui y tomberont, je les ai averties dans ma préface ; & les jeunes filles ne liſent jamais les préfaces.

Et après que dans ſon roman il aura dégradé tour-à-tour les mœurs par la philoſophie, & la philoſophie par les mœurs, il dira qu’il faut des romans à un peuple corrompu.

Et il dira ſans doute auſſi, qu’il faut des fripons chez un peuple corrompu.

Et on le laiſſera tirer la conſéquence.

Et il dira encore, pour ſe juſtifier d’avoir fait un livre où reſpire le vice, qu’il vit dans un ſiècle où il n’eſt pas poſſible d’être bon.

Et pour s’excuſer, il calomniera l’univers entier.