Page:Servières - Richard Wagner jugé en France, 1887.djvu/146

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chez les musiciens une vive irritation et une opposition jalouse. L’orgueil excessif de Wagner, son insociabilité, son caractère ombrageux, ses maladresses ont excité les sarcasmes des petits journaux. Ses partisans et ses ennemis avaient pendant des mois fatigué le public de controverses et de quolibets sur la musique de l’avenir. La publication de la Lettre sur la musique, avec les jugements dédaigneux portés sur des compositeurs admirés en France et les théories novatrices qu’elle expose, souleva l’indignation des dilettanti du Théâtre-Italien. La presse musicale, qui se composait alors moins qu’aujourd’hui d’esprits éclairés et de juges compétents, extermine Tannhœuser, comme si cette œuvre était directement issue de tendances regardées comme subversives.

Au demeurant, tous les écrits du temps, et ceux de Wagner lui-même, sont d’accord sur ce point que le public français, en général, a montré beaucoup de courtoisie et d’impartialité. Il a apprécié et applaudi les morceaux conçus dans la forme traditionnelle de l’opéra. Le reste, rebutant ses oreilles routinières, lui a semblé ennuyeux. Si l’immoralité de ce dénouement où l’on voit Tannhœuser retourner à Vénus, tandis qu’Elisabeth meurt abandonnée, offusqua les gens graves, rien ne parut plus drôle au public des premières que ces troubadours en maillot abricot célébrant sur la harpe l’amour platonique et s’enquérant de son essence. Aussi bien, le symbolisme de la légende allemande, familier