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RICHARD WAGNER JUGÉ EN FRANCE

verture de Tannhœuser. Cette première et unique audition eut lieu le 24 novembre 1850. Berlioz, soit indifférence, soit dédain, s’abstint d’en rendre compte dans les Débats. Bientôt d’ailleurs, la critique musicale fut exclusivement occupée à fêter l’Enfant prodigue d’Auber, représenté à l’Opéra le 6 décembre 1850. Cependant nous avons trouvé trace de l’impression produite sur les contemporains par l’œuvre de Wagner. « Cette séance, écrivait Gustave Héquet, critique musical du National (30 novembre), a fini par une ouverture de M. Wagner, compositeur allemand qui est parvenu depuis quelques années à une certaine célébrité. Hélas ! on devient célèbre en ce monde de bien des manières. M. Wagner sait bien l’harmonie, cela est certain, et encore mieux les procédés matériels de l’instrumentation, mais le don de trouver un chant lui a été impitoyablement refusé par la nature, et son œuvre ne nous a paru que l’accompagnement très bruyant d’une mélodie absente. Après tout, il n’y a point de loi qui défende d’écrire lorsqu’on n’a point d’idée. L’œuvre de M. Wagner est donc parfaitement légale, et la justice d’aucun pays n’a rien à y voir. »

Henri Blanchard, après avoir vaguement résumé la légende de Tannhœuser dans la Gazette musicale du 1er décembre 1850, tire de sa propre imagination l’étonnant programme que voici : « L’ouverture du Tannhœuser est une préface de musique métaphysique qui peint l’amour idéal et brutal, la prière, les marches et contremarches des guerriers et che-