Page:Servières - Richard Wagner jugé en France, 1887.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
33
RICHARD WAGNER JUGÉ EN FRANCE

rythmée pour rendre la progression du cortège, est l’une grande beauté et produit un effet irrésistible ; c’est un des meilleurs morceaux de l’ouvrage ; le souvenir s’en découpe nettement du fond de récitatifs et de mélopées un peu vagues qui forment la teinte générale de l’œuvre… Un autre morceau très remarquable, c’est une sorte de marche aux flambeaux qui ouvre le second acte, au château de la Wartburg, quand les dames et les seigneurs viennent saluer le landgrave et prendre leurs places pour assister au concours du chant. Cela est cérémonieux, solennel, éclatant, plein de mélodie et même de mélodie italienne. Nous le disons, au risque de fâcher Wagner, qui doit profondément à Rossini. Exécutée dans un concert, cette marche aurait assurément un grand succès. » Voici la conclusion textuelle de son article : « Richard Wagner est-il destiné à détrôner les maîtres de l’art ? Nous ne le croyons pas, mais nous voudrions que le Tannhœuser fût exécuté à Paris, au Grand Opéra[1]. La partition mérite cette épreuve solennelle. »

Si Gautier, clerc médiocre en musique, a, dans

  1. Ce vœu de Th. Gautier, caractéristique en ce qu’il émanait d’un écrivain de bonne foi, exprimant des impressions sincères, l’ascendant ainsi prouvé de la musique de Wagner sur des auditeurs français, durent éveiller les susceptibilités de Meyerbeer, car M. Blaze de Bury nous affirme qu’un seul nom avait le privilège d’agacer Meyerbeer, celui de M. R. Wagner. « Il ne pouvait l’entendre prononcer sans éprouver à l’instant une sensation désagréable que, du reste, il ne se donnait pas la peine de cacher, lui d’ordinaire si discret, si ingénieux à signaler au microscope les moindres qualités de chacun. » Meyerbeer et son temps, 1 vol. in-18, 1865, M. Lévy.