Page:Servières - Richard Wagner jugé en France, 1887.djvu/97

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n’a pas craint d’envelopper mon œuvre de cette ridicule papillote : musique de l’avenir. »

Je ne pense pas, en toute sincérité, qu’il soit juste de soutenir, comme le fait M. Paul Lindau, que, dans cette lettre de Wagner, « chaque ligne respirait la plus grande admiration de lui-même. C’était un oratio pro domo sans pareille. Victor Hugo et Lamartine qui ont certainement travaillé cette matière, n’avaient jamais su porter si haut la présomption de soi-même. » Ce qui indigne si fort M. Lindau[1], c’est le passage suivant : — « Depuis vingt ans, je me trouve dans l’impossibilité de jouir de l’interprétation de mes propres œuvres et je suis las d’être le seul Allemand qui n’ait point encore entendu une exécution de Lohengrin. »

Cette lettre se termine par un appel conciliant à la bienveillance de Berlioz auquel, en échange, il souhaite la prompte représentation de ses Troyens. Aux doléances de Wagner, Berlioz répondit : — « Mon sort est encore pire, car moi, je suis le seul Français qui aie entendu mon œuvre. »

Pauvre Berlioz ! À quoi servirent tous ses efforts tendant à séparer sa cause de celle de Wagner, puisque son ennemi juré, Scudo, se refusa obstinément à lui savoir gré de ce divorce artistique ? Voici, en effet, ce qu’il écrivait dans sa chronique

  1. Richard Wagner, par M. P. Lindau, 1 vol. in-18, orné d’un portrait, Hinrichsen. 1885. — Comme nous le verrons plus loin, la correspondance de M. Lindau sur Tannhœuser n’a pas été écrite sans un certain parti pris, très explicable d’ailleurs.