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MIROIR, CAUSE DE MALHEUR

Le bonze, de plus en plus ému de cette scène pathétique, songea :

— « Au lieu d’un chasseur, qui l’aurait certainement tué, c’est moi qui ai rencontré ce tigre, le premier. Sa vie ne dépend donc plus que de moi. Ne pas le sauver, ce serait le tuer. Or tuer, c’est le plus grand crime envers le Bouddha… »

Il dit, puis alla ouvrir, sans hésitation, la porte de la cage, non sans avoir obtenu, une dernière fois, la promesse du captif.

Le tigre fut donc sauvé. Sa crainte et ses angoisses se dissipèrent vite. Les premières émotions passées, il reprit peu à peu conscience de son être. Et à mesure qu’il reprenait conscience de lui-même, Il se sentit une telle faim qu’il oublia tout, même le souvenir du terrible piège d’où il venait d’être sauvé !

— « Saint homme, murmura-t-il à l’adresse du bonze, vous m’avez sauvé la vie, mais vous ne me l’avez sauvée qu’à moitié. »

— « Que veux-tu dire par là ? »

— « Il m’est vraiment très pénible de vous le dire, mais j’y suis obligé pour sauver ma vie… Il me faut vous manger ! »

— « Quoi !!! monstre ingrat ! » s’écria tout à coup le bonze épouvanté.

Une vive discussion s’engagea alors entre eux. Là-dessus survint le Renard de tout à l’heure. À vrai dire, celui-ci ayant conseillé au tigre de suivre cette vallée qu’il savait parsemée d’embûches tendues par des chasseurs, était sûr d’avance qu’il le retrouverait bientôt dans un piège quelconque, vu la faim terrible qui tenail-