Page:Sevestre - Cyranette, 1920.djvu/16

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contradicteur. Pour l’abbé, la catastrophe serait attribuable à une fonte brusque des neiges, succédant à un hiver particulièrement rigoureux. Tandis que M. Daliot soutient mordicus qu’elle n’a pu résulter que d’une secousse sismique. Désagrégation des roches ? Tremblement de terre ? Le Granier garde son secret.

À la faveur d’une reprise de cette docte discussion entre les deux hommes, Mme Daliot s’est arrangée pour suivre Liette et Nise qui sont allées mettre leurs chapeaux. Elles reparaissent bientôt, ravissantes toutes trois dans leurs robes claires. Ainsi « habillée », Mme Daliot fait l’effet d’une jeune femme, dont elle a encore la grâce et la fraîcheur. Quand on parle d’elle à M. le curé : « Germaine ? dit-il. Mais c’est le printemps perpétuel ! » Et c’est mieux qu’un compliment. Les quarante et quelques années de Mme Daliot lui pèsent si peu qu’on ne lui en donnerait guère plus de trente.

— En route, papa ! articule Liette avec aplomb. Il est l’heure.

M. le curé se lève brusquement.

— Je t’en prie, ma fille ! dit Mme Daliot. Prenez votre temps, monsieur le curé, et ne vous occupez pas de nous… Liette est insupportable.

Néanmoins, l’abbé fait mine de se piquer.

— Du tout ! On me chasse, adieu !

— Restez, monsieur le curé ! s’écrie la coupable. Je ne recommencerai plus.

— Je file, mademoiselle.

Serait-ce sérieux ? Liette l’observe avec émoi, surprend un battement de paupières et se met à rire.

— Vous n’êtes pas fâché ?

— Moi ? Pas le moins du monde.

— Alors on sort ensemble ?

— Oui, dit Mme Daliot, mais de grâce, tais-toi. Tu nous fais mal à la tête.