Liette trottine le long du quai, tout près du wagon qui roule. L’officier lui a enfin lâché les doigts, mais continue de causer avec elle.
— Liette ! répète vivement Mme Daliot. Prends garde ! Veux-tu bien faire attention à toi ?
L’imprudente s’arrête, rose de plaisir.
— Oui, mère… Farewell, sir ! Good luck ! (Au revoir, monsieur ! Bonne chance !)
— Au revoir, au revoir ! répond le lieutenant en agitant son mouchoir.
Il est déjà loin et Liette aussi agite frénétiquement le sien.
— Vous tiendrez votre promesse ?… Vous m’enverrez des cartes ?
À cette distance, il faut rugir pour se faire entendre. Elle crie si fort que le fracas même du train et les hourras des hommes ne peuvent étouffer sa voix… Il a compris. Il incline la tête.
— Juliette, tu me désoles, dit simplement Mme Daliot avec l’indulgence des mères.
— Mais, maman, il n’y a pas de mal, voyons, affirme Liette. C’est mon filleul !
Et elle lui montre le bristol, après y avoir jeté un rapide coup d’œil qui lui a permis de lire, sous la clarté d’une lampe à arc :