Page:Sextus Aurelius Victor - Origine du peuple romain, trad Dubois, 1846.djvu/264

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sur l’avis d’Aurélien, qui jouissait, dans l’armée, de la plus haute considération, ils répandent la fausse nouvelle d’une sortie des assiégés. Comme il arrive toujours dans les moments de trouble et de surprise, Gallien sort de sa tente, sans gardes et au milieu des ténèbres de la nuit; et alors il est atteint d’un trait qui le perce de part en part, sans qu’on puisse, dans l’obscurité, reconnaître la main qui l’a décoché. Ce meurtre resta donc impuni, soit qu’on ne pût en découvrir l’auteur, soit qu’il fût regardé comme un événement heureux pour l’empire. Telle était, à cette époque, la décadence des mœurs, que la plupart des citoyens consultaient plutôt leur intérêt personnel que celui de l’État, et qu’ils immolaient la gloire à l’ambition du rang suprême. De là, les idées et les noms mêmes des choses étaient complètement dénaturés; ainsi, le plus criminel, que la victoire avait favorisé, prétendait avoir détruit la tyrannie, lorsqu’au préjudice même du bien public, il avait accablé ses rivaux. Par suite de cet aveuglement, on alla jusqu’à mettre au rang des dieux certains empereurs, qui méritaient à peine les honneurs de la sépulture. Si de telles apothéoses n’étaient flétries par l’impartiale Histoire, qui ne permet pas que la mémoire des gens de bien reste sans honneur, et que les méchants conservent à jamais une illustre renommée, qui voudrait encore embrasser la vertu, dont le prix, le seul véritable, le seul glorieux, serait accordé par la faveur aux plus pervers des hommes, tandis qu’un sacrilège le ravirait aux plus saints des mortels ? Ainsi, les sénateurs, contraints par Claude, que Gallien avait désigné pour son successeur, donnèrent à l’infâme empereur le titre de divin. Au moment oit des flots de sang s’échappaient de sa blessure si grave, Gallien comprit que sa fin était proche, et il envoya les ornements impériaux à Claude, alors tribun légionnaire et qui commandait la garnison de Ticinum. Nul doute que l’on