Page:Sextus Aurelius Victor - Origine du peuple romain, trad Dubois, 1846.djvu/272

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pièces qui avaient rapport à ce trafic honteux; ensuite, il publia une amnistie à l’exemple de la Grèce; enfin, contrairement à l’usage des gens de guerre, dont il faisait partie, il poursuivit avec la dernière rigueur ceux qui, par avarice, s’étaient rendus coupables de péculat et de déprédations dans les provinces. Cette sévérité fut cause qu’il périt, près de Cénofrurium, par la trahison de son secrétaire : ce ministre criminel, dont la conscience était chargée de nombreuses rapines, remit aux tribuns militaires, comme une preuve d’intérêt de sa part, un écrit simulé; avec une adresse perfide, et qui contenait l’ordre de les faire périr : la crainte les saisit, et ils assassinèrent Aurélien. Cependant, après la mort de leur prince, les soldats envoient aussitôt à Rome une députation au sénat pour l’inviter à élire un empereur. Le sénat répond que cette élection convient plus spécialement à l’armée; mais les troupes persistent à la renvoyer aux sénateurs. On vit alors de part et d’autre, un combat d’honneur et de modération : mérite bien rare parmi les hommes, surtout en pareille circonstance, et presque inconnu des soldats. Tel était l’ascendant des mœurs sévères et incorruptibles d’Aurélien, que l’assassinat de ce héros fut un arrêt de mort pour ses meurtriers, un sujet de crainte pour les méchants, un stimulant au bien pour ceux qui flottaient entre le vice et la vertu, une source de regrets pour tous les bons citoyens, et que personne n’osa ni s’en prévaloir, ni en faire parade. Après lui seul, comme après Romulus, il y eut une sorte d’interrègne, mais beaucoup plus glorieux encore : exemple qui prouve bien que tout est révolution dans le monde, et qu’il n’arrive rien que la force de la nature ne puisse reproduire après un certain laps de temps; que les vertus des princes relèvent facilement les empires même abattus, tandis que leurs vices précipitent la ruine des États le plus solidement affermis.