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APPENDICE.

d’Antioche, bâtie par son père Séleucus, — un prince fort excellent, appelé Apollonie, autant vertueux que savant, et des plus rares et gentils princes qui fussent alors en la Grèce, ni en l’Asie. Lequel, ayant ouï parler de l’extrême beauté de la fille du roi Antiochus, et de la grande poursuite que plusieurs faisaient pour l’avoir en mariage, en devint extrêmement amoureux : et comme il fut en la première ardeur de son adolescence, il ne pensait aussi qu’aux moyens de parvenir à la jouissance de chose si rare, sans aviser au péril qui s’offrait par trop cuisant à ceux qui aspiraient aux noces de cette belle princesse, et lequel danger procédait de l’occasion que je vais vous décrire : on sait combien ces rois asiatiques, et ceux de Macédoine, ont été adonnés aux femmes, et le peu d’état qu’ils faisaient de s’accointer les dames de leur sang, ne se feignant d’épouser leurs propres sœurs et les épouses mêmes de leurs pères : or Antiochus étant conduit de pareille bonté, comme il fut veuf, il jetta impudiquement et détestablement les yeux sur sa fille au temps même qu’il était sur le point de lui choisir mari digne de la maison d’un si grand prince que lui, qui commandait sur la plus grande part de l’Asie. De ce regard lascif et avec les yeux, ce père maudit huma le poison d’amour ; il laissa cette volonté qu’il avait de marier sa fille, et se résolut d’en être lui-même l’amoureux, le mari, le père et le beau-père, tout ensemble. Et bien qu’au commencement il tachât d’effacer ce furieux désir en son âme, si est ce que, l’objet d’une si grande beauté lui offusquant les rayons de l’honnêteté, il oublia le devoir du père, pour faire l’office, et état d’un amant furieux et transporté. Pour ce, un jour qu’il s’était plus arrêté que jamais sur ces desseins, et avait rêvé sur les perfections de celle que induement il aimait, s’en alla seul vers la chambre de sa fille, de laquelle il fit sortir tous ceux qui étaient dedans, feignant de lui vouloir communiquer quelque grand secret.