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INTRODUCTION.

de mort d’Imogène, par Léontes l’arrêt de mort d’Hermione, par le More de Venise l’arrêt de mort de la Vénitienne. C’est fatalement que l’ambition pousse Macbeth à tuer Duncan et le roi Jean à assassiner Arthur. Aussi, pour tous ces misérables, le poëte a-t-il des paroles de pitié. Du haut de cette équité suprême qui juge les effets et les causes et qui proportionne la peine à la liberté, il absout tous ces fiévreux de l’instinct : il pleure sur Antoine et sur Cléopâtre, il sanglote sur Roméo et sur Juliette, il rend à Posthumus et à Léontes leurs victimes ressuscitées, il se lamente sur Othello, il plaint Macbeth et il fait entrevoir le ciel au roi Jean pénitent.

Et voilà pourquoi, logique toujours, le poëte conclut par un mot de clémence cette Tragédie dans l’Yorkshire. Voilà pourquoi il finit par accorder le pardon, avec le repentir, à ce malheureux que l’irrésistible passion du jeu a affolé jusqu’au crime. Voilà pourquoi, généreux enchanteur, il exorcise par une bénédiction suprême le démon qui possédait cet homme et en faisait un monstre.

III

J’ai sous les yeux un livre curieux qui m’a été obligeamment prêté par la Bibliothèque de Bruxelles. C’est un exemplaire de la première édition du drame les Deux nobles parents, « tel qu’il a été joué à Blackfriars, avec grand succès, par les serviteurs de Sa Majesté le roi, écrit par ces maîtres mémorables de leur époque, M. John Fletcher et M. William Shakspeare[1], gentlemen, et imprimé à Londres

  1. Parmi les monuments littéraires du seizième et du dix-septième siècle, voici le seul où le nom de notre poëte soit épelé : Shakspeare. Cette épellation apocryphe se retrouve bien en tête de la première édition in-quarto du Roi Léar (1608), mais dans la seconde édition publiée la même année, elle fut rectifiée ainsi : Shake-speare.