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SCÈNE I.

mosby.

— Où est votre mari ?

alice.

— C’est maintenant marée haute, et il est sur le quai.

mosby.

— Qu’il y soit, n’importe. À l’avenir ne me connaissez plus.

alice.

— Est-ce là la fin de tous tes serments solennels ? — Est-ce là le fruit dont notre réconciliation était la fleur ? — T’ai-je accordé tant de faveurs, — ai-je encouru la haine de mon mari, ai-je, hélas ! — consommé dans tes bras le naufrage de mon honneur — pour que tu me dises : à l’avenir ne me connaissez plus ? — Souviens-toi, quand je te tenais dans mon boudoir, — quelles étaient tes paroles et les miennes : n’avons-nous pas tous deux — résolu de tuer Arden dans la nuit ? — Le ciel peut en témoigner, le monde peut l’affirmer, — avant que j’eusse vu la face décevante, — avant que j’eusse été circonvenue par tes propos séducteurs, — Arden m’était plus cher que mon âme… — et il le sera toujours… Vil manant, va-t’en, — et ne te vante pas de m’avoir conquise. — Tu ne m’as gagnée que par un noir sortilège. — Car quels sont tes titres à être aimé de moi — qui suis descendue d’une noble maison — et déjà unie à un gentleman — dont tu pourrais être le valet !… Sur ce, adieu.

mosby.

— Ingrate, impitoyable Alice ! je le vois maintenant, — ce que j’ai toujours craint n’est que trop réel : — l’amour d’une femme est comme le feu de la foudre — qui se consume en éclatant. — J’ai affecté la froideur pour éprouver ta constance. — Je voudrais n’avoir pas tenté cette épreuve, et vivre encore dans l’illusion.