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CENT DIX-HUITIÈME HISTOIRE TRAGIQUE DE BELLEFOREST.

obéissez au roi, et lui octroyez dorénavant de bon gré ce de quoi la force l’a fait naguère possesseur ; car vous mourant, c’est sans doute que le roi ne vivrait longuement après vous, et ainsi vous seriez cause de la ruine d’une belle et heureuse monarchie, laquelle sera l’héritage des enfants qui sortiront de vous pour le repos de toute l’Asie.

Avec ces propos et plusieurs autres, cette mégère infernale sollicita cette pauvre dame à souffrir l’inceste, et à prendre plaisir au forfait plus nuisible que la mort qu’elle voulait se donner.

Cependant, ce détestable roi, pour mieux et plus longuement jouir de ses amours incestueuses, voyant que sa fille était de plusieurs demandée en mariage, et qu’honnêtement, et dans son déshonneur et scandale, il ne pouvait faire qu’il ne l’octroyât à quelqu’un, il s’avisa d’une ruse, qui fut telle, qu’il proposa aux amoureux poursuivants une question et énigme, avec telle condition que celui qui la résoudrait serait le mari de sa fille, mais y faillant, la tête y demeurerait pour gage. Quelque périlleuse et inique que pût être cette aventure, si est ce que la beauté et grâce de la princesse était si grande et excellente, que plusieurs grands princes et seigneurs hasardant leur vie, allaient la requérir ; et ne pouvant résoudre la question (au moins le roi niant qu’ils y eussent donné atteinte), ils y laissaient la tête pour gage de la cruauté d’Antiochus. Or, comme plusieurs se refroidissaient de cette poursuite, voyant un édit si dénaturé et l’exécution de celui-ci si farouche, voici que. le prince tyrien Apollonie, se liant en son grand savoir et subtilité, vint vers le roi, qui était son souverain, en Antioche, pour avoir son malheur en mariage. Le roi, qui avait aimé le père de cet adolescent, fut marri de le voir venir à sa mort certaine ; et pour ce, lui demandant de l’état de ses parents, et celui-ci répondant qu’ils étaient décédés, lui dit : — Aussi ont-ils laissé le dernier de leur race en toi ;