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APPENDICE.

de pêcheur, voici entrer le gentilhomme venant de la part du roi, qui, l’ayant contemplé, fut faire son rapport que celui qui avait lutté contre lui était étranger, naufragé et échappé nu de la tempête de la mer. Archestrate, prince gracieux et débonnaire, et qui n’ignorait pas quels sont les assauts de la fortune et à quelles infortunes sont sujets ceux qui naviguent, tant grands puissent-ils être, se douta que ce ne fût quelque grand seigneur, voyant son adresse et gentillesse, et pour ce, commande à son homme qu’il fût le quérir, et lui apportât des habits honnêtes, s’assurant que l’étranger, étant homme de haut cœur, ne voudrait jamais, si mal équipé qu’il était, se présenter au banquet solennel d’un grand prince. Et, de fait, Apollonie refusa de venir vêtu de la mante du pêcheur, laquelle, étant revêtu à neuf, il fit garder, pour souvenance de son malheur et de la courtoisie que le pêcheur, son hôte, lui avait fait. Cet habit donna une telle grâce au prince tyrien, que, dès qu’il entra en salle, il n’y eut pas un qui ne le priât et ne jugeait à son port, et façon et contenance, qu’il devait être sorti de quelque maison illustre. À cette cause, le seigneur cyrénéen le fit asseoir, au lieu le plus honorable, près sa personne, où il fut servi somptueusement et caressé de toute la noblesse. Mais ces pompes, magnificences et somptuosités de festin, au lieu de le réjouir, lui donnèrent un tel sursaut et renouvelèrent tellement son angoisse, qu’assailli d’extrême douleur pour la souvenance de son aise passé, et du malheur présent, que ne pouvant boire ni manger, et ayant le cœur saisi, enfin il évapora cette fumée de tristesse par une grande effusion de larmes, lui coulant le long de sa face.

Or, avait ce roi une fille portant le nom, même du père, à savoir Archestrate, belle en perfection, gracieuse, honnête, courtoise et vertueuse, et, ce qui la rendait admirée de chacun, une des plus savantes de son temps. Cette damoi-