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APPENDICE.

cer, on le mit en la mer, et le laissa aller à la merci des vents et des vagues. Cependant le corps outré de la princesse fut près de vingt-quatre heures porté sur les ondes, sans qu’elle sentit ni respirât, et enfin la mer le jeta au havre de la grande cité d’Éphèse, où jadis Diane fut si superstitieusement adorée, et aborda fortuitement, et comme Dieu voulut, qui a le soin de toute créature, auprès de la maison d’un Êphésien nommé Cheremon, qui lors se promenait le long du port devisant de son art avec ses disciples. Celui-ci voyant le cercueil sur le gravier le lit porter en son logis, et l’ouvrant, comme il vit cette dame vêtue si richement, et si belle qu’encore elle se montrait, quoique pâlissante pour être atténuée, et comme épuisée de sang et de force vitale, il en fut étonné, et ensemble ému de compassion, disant que cette femme devait être de grand lieu, et qu’elle avait laissé un sujet triste de larmes à ses parents et amis. Puis voyant sous l’oreiller sur lequel le chef royal reposait, la bougette pleine de monnaie, et la suscription que nous avons dite ci-dessus, il dit aux siens que c’était raison que la volonté dernière des défunts fût exécutée, et qu’il satisfît et au désir, et à la douleur de celui qui avait là mis cet argent.

Tandis qu’on faisait les apprêts pour les pompes et funérailles de la princesse, et qu’on apprêtait le bûcher pour brûler le corps à la façon ancienne des Grecs, et plusieurs autres nations, qu’on ornait le corps, vint un disciple du médecin, jeune homme fort ingénieux, auquel le docteur fit l’honneur de lui donner la charge d’oindre ce corps de certains ornements précieux pour le dernier office. Or celui-ci ayant découvert le sein, aussi blanc que lait caillé, de la princesse, et l’oignant de cette rare liqueur, il sentit quelque signe de vie au dedans du corps, ce qui fut cause qu’il commença à faire l’essai du sentiment au nez, aux lèvres, au pouls et autres parties des sens, et trouva qu’il y avait encore