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CENT DIX-HUITIÈME HISTOIRE TRAGIQUE DE BELLEFOREST.

— Voici le gage que votre fausse mort me laissa pour consoler mon âme, et lequel a été l’héritier des malheurs et angoisses de son père.

Et la fille, s’avançant, s’agenouilla devant sa mère, lui baisant les mains en toute humilité, comme étonnée tant de l’extrême beauté d’icelle que de la grâce et majesté, et de l’honneur qu’elle voyait que lui portaient tous les Éphésiens. Et lors la mère lui parla en cette sorte :

— Plaise aux dieux, ma fille et grande amie, vous accomplir autant en vertu que vous l’êtes en beauté et bonne grâce, afin qu’imitant en cela vos prédécesseurs, vous récompensiez les travaux que monsieur a soufferts pour vous, et satisfaisiez à cette angoisse que j’éprouvai en vous mettant en ce monde.

Et, la prenant, la baisa amoureusement plusieurs fois. Cependant, le bruit courut par toute la cité d’Éphèse de cette reconnaissance d’Apollonie et Archestrate, ce qui fut cause que chacun se réjouit, qu’on dressa des jeux, musique et fêtes solennelles pour bien recevoir ce prince aimé par tous les asiatiques, lequel ayant banqueté les principaux de la cité, et fait de grands et riches présents au temple de Diane, et récompensé le médecin Cheremon, il partit avec ses femme, fille et gendre d’Éphèse, et prit la route de Tharse, pour là se venger du tort qu’il y avait reçu par la trahison de Stragulion et Dionysiade. Et d’autant que l’injure lui touchait de près, et que le fait pouvait intéresser l’honneur de la seigneurie de cette ville qui avait pris le soin de son enfant, il assembla le conseil, où il se plaignit de ses hôtes qui avaient refusé de lui rendre sa fille. Comme chacun s’étonnait de cette chose, tous croyant que Tharsie fût morte, l’épouse de Stragulion effrontément lui répondit, qu’il avait vu le tombeau où elle était enclose et les marques de l’amitié des Tyriens envers lui, assistant à ses funérailles.

— Tout ceci, répondit-il, ne certifie point sa mort, et ne