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LE CONTE D’HIVER.

POLIXÈNE.

Eh bien, je serai votre hôte, madame : — être votre prisonnier impliquerait de ma part une offense — qu’il me serait moins facile encore de commettre — qu’à vous de punir.

HERMIONE.

Eh bien, je ne serai pas votre geôlière, — mais votre affectueuse hôtesse. Allez ! je vais vous questionner — sur les niches que vous faisiez, mon mari et vous, quand vous étiez enfants : — vous étiez alors de jolis petits maîtres !

POLIXÈNE.

Belle reine, nous étions — deux gars qui ne voyaient rien dans l’avenir — qu’un lendemain semblable à la veille — et croyaient être des gamins éternels.

HERMIONE.

— Est-ce que monseigneur n’était pas le plus franc vaurien des deux ?

POLIXÈNE.

— Nous étions comme deux agneaux jumeaux, gambadant au soleil — et bêlant l’un à l’autre ; nous rendions — innocence pour innocence ; nous ne connaissions pas — la doctrine du mal-faire et nous ne nous figurions pas — que quelqu’un la connût. Si nous avions continué cette vie-là, — si nos faibles esprits n’avaient pas été exaltés — par un sang plus ardent, nous aurions pu hardiment — répondre au ciel : — Non coupables ! excepté sur le chef — du péché originel.

HERMIONE.

Nous concluons de cela — que vous avez trébuché depuis lors.

POLIXÈNE.

Oh ! mon auguste dame, — dès lors les tentations sont nées pour nous : car, — à l’époque où nous étions au