Mme VABONTRAIN. D’autant mieux que vous avez la bonté de me le demander.
FENTON. Quelles nouvelles ? Comment se porte la charmante miss Anna ?
Mme VABONTRAIN. Ma foi, monsieur, elle est toujours jolie, honnête et douce ; et c’est une fille qui a de l’amitié pour vous, je puis vous le dire en passant, et j’en bénis le ciel.
FENTON. Pensez -vous que je réussisse ? Ne perdrai-je pas mes peines ?
Mme VABONTRAIN. Ma foi, monsieur, tout dépend de celui qui est là-haut ; toutefois, monsieur Fenton, je jurerais sur la Bible qu’elle vous aime. N’avez-vous pas un signe au-dessus de l’œil ?
FENTON. Oui, sans doute ; eh bien, après ?
Mme VABONTRAIN. Oh ! c’est qu’il y a toute une histoire sur ce signe-là ! Allez, elle est bien enfant, ce qui ne l’empêche pas d’être la plus honnête fille qui ait jamais rompu le pain : nous en avons eu pour une heure à parler de ce signe. Je ne ris jamais d’aussi bon cœur que dans la compagnie de cette enfant-là ! c’est dommage qu’elle soit trop adonnée à la mélancolie et à la rêverie ; pour ce qui est de vous, allez, il suffit.
FENTON. Fort bien ! je la verrai aujourd’hui. Tenez ! (lui donnant de l’argent) voilà pour vous ; que j’aie votre voix en ma faveur. Si vous la voyez avant moi, recommandez-moi à son souvenir.
Mme VABONTRAIN. Oui, certes, je n’y manquerai pas ; quand nous nous reverrons, je vous reparlerai de ce signe et des autres galants.
FENTON. C’est bien. Adieu ! je suis pressé.
Mme VABONTRAIN. Adieu ! monsieur… C’est véritablement un honnête homme ; mais Anna ne l’aime pas, car je connais ses sentiments mieux que personne. Sotte que je suis, qu’ai-je oublié ?