Page:Shakespeare - Œuvres complètes, Laroche, 1842, vol 1.djvu/175

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Entre BARDOLPHE.

BARDOLPHE. Sir John, il y a en bas un certain Brook qui désirerait vous parler et faire votre connaissance ; il envoie à votre seigneurie un flacon de vin vieux.

FALSTAFF. Brook est son nom ?

BARDOLPHE. Oui, monsieur.

FALSTAFF. Fais-le monter.

Bardolphe sort.

FALSTAFF, continuant. Ces ruisseaux-là [1] sont les bien venus chez moi quand ils y font refluer une pareille liqueur. Ah ! ah ! madame Ford et madame Page, j’ai donc fait votre conquête ! Allons, voilà qui va bien !

Rentre BARDOLPHE, suivi de FORD, déguisé.

FORD. Que Dieu vous garde, monsieur !

FALSTAFF. Et vous pareillement, monsieur ; avez-vous quelque chose à me dire ?

FORD. Je vous demande pardon de me présenter à vous avec si peu de cérémonie.

FALSTAFF. Vous êtes le bienvenu ; que souhaitez-vous de moi ? (À Bardolphe.) Bardolphe, laisse-nous.

Bardolphe sort.

FORD. Monsieur, vous voyez en moi un homme qui a dépensé beaucoup d’argent ; mon nom est Brook.

FALSTAFF. Mon cher monsieur Brook, je désire faire plus amplement votre connaissance.

FORD. Je désire pareillement faire la vôtre, sir John, non pour vous être à charge, car je dois vous dire que je me crois plus en mesure que vous de jouer le rôle de préteur ; c’est ce qui m’a enhardi à me présenter à vous sans façon ; car, comme l’on dit, quand l’argent précède, toutes les portes s’ouvrent.

FALSTAFF. Monsieur, l’argent est un bon soldat qui va toujours en avant.

FORD. Il est vrai : j’ai ici un sac d’argent qui m’embarrasse ; si vous voulez m’aider à le porter, sir John, prenez le tout ou la moitié, vous m’aurez soulagé d’autant.

FALSTAFF. Monsieur, j’ignore en quoi je puis avoir mérité d’être votre porteur.

FORD. Si vous voulez bien m’entendre, monsieur, je vous le dirai.

  1. Falstaff joue ici sur le mot brook, qui en anglais signifie ruisseau.