NIGAUDIN. Ô charmante Anna Page !
CERVEAUVIDE. En effet, ses armes l’indiquent : ne les laissez pas s’approcher : voici le docteur Caïus.
PAGE. Mon cher pasteur, remettez votre épée dans le fourreau.
CERVEAUVIDE. Faites-en autant, mon cher docteur.
L’HÔTE. Désarmez-les, puis laissons-les se disputer tant qu’ils voudront ; qu’ils conservent leurs membres dans leur intégrité, et n’estropient que la langue anglaise.
CAIUS. Permettez-moi, je vous prie, de vous dire un mot : pourquoi refusez-vous de vous mesurer avec moi ?
EVANS. Veuillez avoir un peu de patience, je vous rendrai raison en temps et lieu.
CAIUS. Morbleu ! vous êtes un lâche, un sot, un magot de la Chine.
EVANS. Je vous en prie, ne prêtons pas à rire aux gens ; je désire obtenir votre amitié, et je vous ferai réparation de manière ou d’autre : je vous briserai vos fioles sur votre tête de cuistre, pour avoir manqué à votre rendez-vous.
CAIUS. Diable ! Jean Barbet, et vous, mon hôte de la Jarretière, ne l’ai-je pas attendu pour le tuer ? ne me suis-je pas trouvé au rendez-vous fixé ?
EVANS. Comme il est vrai que j’ai l’âme d’un chrétien, c’est ici le lieu qui avait été désigné ; je m’en rapporte au jugement de mon hôte de la Jarretière ?
L’HÔTE. Paix ! Gallois et Gaulois, Français et Welche, guérisseur des corps et guérisseur des âmes.
CAIUS. Parbleu ! voilà qui est excellent.
L’HÔTE. Paix ! vous dis-je : écoutez votre hôte de la Jarretière. Suis-je un politique ? suis-je un homme subtil ? suis-je un Machiavel ? consentirai-je à perdre mon docteur ? non ; il me donne des potions et des émotions. Me résoudrai-je à perdre mon pasteur, mon prêtre, mon sir Hugues ? non ; il me donne les proverbes et les non-verbes. Donnez-moi votre main, enfant de la terre ; bien ! donnez-moi la vôtre, enfant du ciel ; c’est cela ! Disciples de la science, je vous ai trompés tous deux ; je vous ai assigné des rendez-vous différents : vos cœurs sont intrépides, vos peaux sont intactes… que du vin chaud termine