Page:Shakespeare - Œuvres complètes, Laroche, 1842, vol 1.djvu/187

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CERVEAUVIDE. Nous sommes en pourparlers au sujet d’un mariage entre miss Anna Page et mon cousin Nigaudin, et nous devons obtenir aujourd’hui une réponse définitive.

NIGAUDIN. J’espère que j’ai votre consentement, beau-père Page ?

PAGE. Vous l’avez, monsieur Nigaudin ; je vous suis complètement favorable ; mais (se tournant vers Caïus) ma femme, monsieur le docteur, est entièrement dans vos intérêts.

CAIUS. Oui, certes ; et la demoiselle m’aime : ma gouvernante Vabontrain me l’assure.

L’HÔTE. Que dites-vous du jeune Fenton ? Il danse, il pirouette, il a les yeux de la jeunesse, il fait des vers, a la prose fleurie, est parfumé comme les mois d’avril et de mai. Il l’emportera, il l’emportera ; c’est décidé, il l’emportera.

PAGE. Ce ne sera pas avec mon consentement, je vous le promets. C’est un jeune homme qui n’a rien : il a fait partie de la société du prince extravagant[1] et de Poins. Il est trop haut placé ; il en sait trop. Non, il ne nouera pas un nœud dans sa destinée avec les doigts de ma fortune : s’il prend ma fille, qu’il la prenne sans un penny ; mon bien ne va qu’avec mon consentement, et mon consentement ne va pas dans cette direction-là.

FORD. Je demande instamment que quelques-uns d’entre vous viennent dîner chez moi : outre la bonne chère, je vous promets du divertissement : je vous ferai voir un monstre. Venez, docteur ; vous aussi, monsieur Page, et vous, sir Hugues.

CERVEAUVIDE. Eh bien, adieu ! — Nous n’en serons que plus libres pour faire notre cour chez monsieur Page.

Cerveauvide et Nigaudin s’éloignent.

CAIUS. Jean Barbet, retourne au logis ; je vais bientôt te rejoindre.

Barbet s’éloigne.

L’HÔTE. Adieu, mes enfants ; je vais trouver mon honnête chevalier Falstaff, et boire avec lui une bouteille de Canarie.

FORD, à part. Je pense que je lui ferai auparavant boire un autre bouillon. Venez-vous, messieurs ?

TOUS. Allons voir le monstre !

Ils s’éloignent.
  1. Le prince de Galles, depuis Henri V.