Je garantis que celui-là ne mourra pas naufragé, dût le vaisseau n’être pas plus solide qu’une coquille de noix.
Laissez filer une bordée, déployez les deux voiles… Au large, maintenant, au large !
Tout est perdu ! en prière ! en prière ! tout est perdu !
En serions-nous à cette extrémité ?
Le roi et le prince sont en prières, allons nous joindre à eux ; notre destinée est commune.
Je perds patience.
Nous périssons par la faute de ces ivrognes ! maudit bavard ! que n’est-il depuis longtemps noyé ! pourquoi dix marées ne lui ont-elles pas déjà passé sur le corps ?
Il n’en sera pas moins pendu, quand la mer devrait soulever contre lui jusqu’à sa dernière vague et entr’ouvrir ses plus profonds abîmes.
Miséricorde ! nous sombrons, nous sombrons ! Adieu, ma femme ! Adieu, mes enfants ! Adieu, mon frère ! nous sombrons ! nous sombrons !
Mourons tous avec le roi.
Prenons congé de lui.
Je donnerais maintenant dix lieues de mer pour une perche de terrain stérile, genêt ou bruyère, n’importe ! la volonté de Dieu soit faite ! Mieux vaudrait pourtant mourir en terre ferme.
Scène II.
Une île ; la scène est devant la grotte de Prospéro.
Mon père bien-aimé, vous avez par la puissance de votre art soulevé ces vagues mugissantes ; apaisez maintenant leur furie. On dirait que la mer va se heurter contre le ciel et qu’elle en fait jaillir des feux étincelants. Oh ! combien j’ai souffert pour ceux que j’ai vus souffrir ! voir briser en morceaux ce courageux navire qui contenait sans doute de no-