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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, Laroche, 1842, vol 1.djvu/29

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GONZALVE.

Je garantis que celui-là ne mourra pas naufragé, dût le vaisseau n’être pas plus solide qu’une coquille de noix.

LE CONTRE-MAÎTRE.

Laissez filer une bordée, déployez les deux voiles… Au large, maintenant, au large !


Entrent PLUSIEURS MATELOTS, mouillés.


LES MATELOTS.

Tout est perdu ! en prière ! en prière ! tout est perdu !

Ils sortent.
LE CONTRE-MAÎTRE.

En serions-nous à cette extrémité ?

GONZALVE.

Le roi et le prince sont en prières, allons nous joindre à eux ; notre destinée est commune.

SÉBASTIEN.

Je perds patience.

ANTONIO.

Nous périssons par la faute de ces ivrognes ! maudit bavard ! que n’est-il depuis longtemps noyé ! pourquoi dix marées ne lui ont-elles pas déjà passé sur le corps ?

GONZALVE.

Il n’en sera pas moins pendu, quand la mer devrait soulever contre lui jusqu’à sa dernière vague et entr’ouvrir ses plus profonds abîmes.

On entend un long cri s’élever de l’intérieur du navire.
PLUSIEURS VOIX, confusément

Miséricorde ! nous sombrons, nous sombrons ! Adieu, ma femme ! Adieu, mes enfants ! Adieu, mon frère ! nous sombrons ! nous sombrons !

ANTONIO.

Mourons tous avec le roi.

Il sort.
SÉBASTIEN.

Prenons congé de lui.

Il sort.
GONZALVE.

Je donnerais maintenant dix lieues de mer pour une perche de terrain stérile, genêt ou bruyère, n’importe ! la volonté de Dieu soit faite ! Mieux vaudrait pourtant mourir en terre ferme.

Il sort.


Scène II.

Une île ; la scène est devant la grotte de Prospéro.

PROSPÉRO, MIRANDA.


MIRANDA.

Mon père bien-aimé, vous avez par la puissance de votre art soulevé ces vagues mugissantes ; apaisez maintenant leur furie. On dirait que la mer va se heurter contre le ciel et qu’elle en fait jaillir des feux étincelants. Oh ! combien j’ai souffert pour ceux que j’ai vus souffrir ! voir briser en morceaux ce courageux navire qui contenait sans doute de no-