formes monstrueuses, avaient des manières plus aimables qu’aucun des membres de la famille humaine ?
Honnête vieillard, tu dis vrai ; car, parmi ceux qui sont ici présents, il en est de plus pervers que les démons.
Je ne puis revenir de ma surprise en songeant à ces êtres étranges, à leurs gestes, et à ces sons qui, sans le secours de la parole, formaient une sorte de langage muet.
Pour louer, attends la fin.
Ils ont disparu d’une manière étrange.
Peu importe ; ils nous ont laissé leurs mets ; nos estomacs ont faim ! vous plaît-il, seigneur, goûter de ce qui est là ?
Non certes.
Je crois, seigneur, que vous n’avez rien à craindre. Quand nous étions enfants, aurions-nous cru qu’il y a des montagnards portant des fanons comme nos taureaux, ou ayant la tête placée sur la poitrine ? et cependant, vous le voyez, nous pourrions parier cinq contre un que la chose est vraie.
Je vais me mettre à table et manger, quand ce devrait être mon dernier repas… D’ailleurs, peu m’importe, puisqu’il ne doit plus y avoir de bonheur pour moi. Mon frère, seigneur duc, approchez, et faites comme nous.
Vous êtes trois hommes de crime. La destinée qui régit ce bas monde et tout ce qu’il enserre a voulu que la mer insatiable vous rejetât de son sein dans cette île inhabitée ; car vous êtes indignes de vivre au milieu des hommes. {Alonzo, Sébastien et tous les autres tirent leurs épées.) Vous voilà maintenant en fureur ; mais que me fait toute cette vaillance ? c’est le courage des gens qui se pendent ou se noient. Insensés ! mes compagnons et moi nous sommes les ministres du Destin ; l’acier dont vos glaives sont forgés ne saurait entamer une seule de mes plumes ; c’est comme s’ils frappaient les vents qui mugissent ou l’onde qui se referme sous leurs coups ; mes compagnons sont pareillement invulnérables : lors même qu’ils pourraient nous blesser, vos glaives sont maintenant trop pesants pour votre faiblesse, et vous n’avez pas la force de les soulever. Mais rappelez-vous, car c’est le motif qui m’amène,