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ACTE IV, SCÈNE I.
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ALONZO.

Quelle est cette jeune fille avec laquelle tu jouais ? Vous ne devez pas vous connaître depuis plus de trois heures. Est-ce la divinité qui nous a séparés et maintenant nous réunit ?

FERDINAND.

Mon père, c’est une mortelle ; mais, grâce aux décrets d’une immortelle providence, elle est à moi ; je l’ai choisie quand je ne pouvais demander l’aveu de mon père, quand je croyais même n’en plus avoir : c’est la fille de ce fameux duc de Milan, dont j’ai si souvent entendu parler, mais que je n’avais jamais vu ; je lui dois une seconde vie, et cette jeune beauté fait de lui pour moi un second père,

ALONZO.

Je suis le sien ; mais combien il est étrange que je sois obligé de demander pardon à mon enfant !

PROSPÉRO.

Arrêtez, seigneur : ne chargeons pas nos souvenirs d’un passé douloureux.

GONZALVE.

Je pleurais intérieurement ; sans quoi j’aurais déjà parlé. Ô Dieu ! abaissez vos regards et faites descendre sur ce couple une couronne de bénédictions ; car c’est vous qui avez tracé la voie qui nous a conduits ici.

ALONZO.

Je dis Amen, Gonzalve.

GONZALVE.

Le duc de Milan n’a donc été expulsé de Milan qu’afin que sa postérité régnât à Naples ? Oh ! réjouissez-vous d’une joie sans égale ; inscrivez cet événement en lettres d’or sur des colonnes d’éternelle durée. Dans le même voyage Claribel a trouvé un époux à Tunis ; Ferdinand, son frère, une épouse là où il devait rencontrer la mort ; Prospéro son duché dans une île chétive ; et nous tous, nous nous sommes retrouvés nous-mêmes, alors que nul d’entre nous ne s’appartenait véritablement.

ALONZO, à Ferdinand et à Miranda.

Donnez-moi tous la main : que le chagrin et la douleur soient le partage de quiconque ne fait pas des vœux pour votre bonheur !

GONZALVE.

Qu’il en soit ainsi, amen.


Rentre ARIEL, suivi du PATRON DU NAVIRE et du CONTREMAÎTRE, tout émerveillés.


GONZALVE, continuant.

Voyez, soigneur, voyez, voilà encore des nôtres ! J’ai prédit que, pouvu qu’il y eût une potence à terre, ce gaillard-là ne se noierait pas. — Eh bien, blasphémateur, qui faisais à bord de si belles imprécations, pas un juron