Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

SIR ANDRÉ. — Si je le croyais, je m’en abstiendrais. — Je retourne chez moi à cheval demain, sir Tobie.

SIR TOBIE. — Pourquoi, mon cher chevalier ?

SIR ANDRÉ. — Que signifie pourquoi[1] ? Le faire ou ne le pas faire ? Je voudrais avoir employé à apprendre les langues le temps que j’ai mis à l’escrime, à la danse, à la chasse à l’ours. — Oh ! si j’avais suivi les beaux-arts !

SIR TOBIE. — Oh ! vous auriez eu une superbe chevelure.

SIR ANDRÉ. — Quoi, cela aurait-il amendé mes cheveux ?

SIR TOBIE. — Sans contredit, car vous voyez qu’ils ne frisent pas naturellement.

SIR ANDRÉ. — Mais cela me sied assez bien, n’est-il pas vrai ?

SIR TOBIE. — À merveille. Ils pendent droit comme le lin sur une quenouille, et j’espère un jour voir une ménagère vous prendre entre ses jambes et vous filer.

SIR ANDRÉ. — Ma foi, je retourne chez moi demain, sir Tobie. Votre nièce ne veut pas se laisser voir, ou, si elle voit quelqu’un, il y a quatre à parier contre un qu’elle ne voudra pas de moi. Le comte lui-même, qui est ici tout près, lui fait la cour.

SIR TOBIE. — Elle ne veut point du comte. Elle ne veut point de mari au-dessus d’elle, ni en fortune, ni en âge, ni en esprit. Je lui en ai entendu faire le serment. Hem ! il y a de la résolution là-dedans, ami !

SIR ANDRÉ. — Je veux rester un mois de plus. Je suis l’homme du monde qui a les idées les plus drôles : j’aime extrêmement les mascarades et les bals tout à la fois.

SIR TOBIE. — Êtes-vous bon pour ces balivernes, chevalier ?

SIR ANDRÉ. — Autant qu’homme en Illyrie, quel qu’il soit, au-dessous du rang de mes supérieurs… ; et cependant je ne veux pas me comparer à un vieillard.

SIR TOBIE. — Quel est votre talent pour une gaillarde[2], chevalier ?

  1. Pourquoi, en français dans le texte.
  2. Espèce de danse.