VIOLA.-- Mes jambes m’entendent mieux, monsieur, que je n’entends ce que vous voulez dire en me disant de tâter mes jambes.
SIR TOBIE.-- Je veux dire que vous marchiez, monsieur, que vous entriez.
VIOLA.-- Je vous répondrai en marchant et en entrant ; mais nous sommes prévenus. (Entrent Olivia et Marie.) Excellente et parfaite dame, que le ciel fasse pleuvoir ses parfums sur vous !
SIR ANDRÉ.-- Ce jeune homme est un fameux courtisan. Pleuvoir des parfums ! À merveille !
VIOLA.-- Mon message n’a de voix, belle dame, que pour votre oreille indulgente et libérale.
SIR ANDRÉ.-- Des parfums ! libérale ! indulgente ! Je veux avoir ces trois mots tout prêts.
OLIVIA.-- Qu’on ferme la porte du jardin, et qu’on me laisse l’entendre seule. (Sir Tobie, sir André et Marie sortent.) Donnez-moi votre main, monsieur.
VIOLA.-- Mon humble respect, madame, et mon dévouement à votre service.
OLIVIA.-- Quel est votre nom ?
VIOLA.-- Césario est le nom de votre serviteur, belle princesse.
OLIVIA.-- Mon serviteur, monsieur ! Jamais il n’y a eu de joie dans le monde, depuis qu’on a appelé compliments d’humbles mensonges. Vous êtes le serviteur du comte Orsino, jeune homme.
VIOLA.-- Et lui est le vôtre, et les siens sont nécessairement les vôtres. Le serviteur de votre serviteur est votre serviteur, madame.
OLIVIA.-- Pour le comte, je ne songe pas à lui : quant à ses pensées, je voudrais qu’elles fussent vides plutôt que pleines de moi !
VIOLA.-- Madame, je viens pour éveiller vos bonnes pensées en sa faveur.
OLIVIA.-- Oh ! avec votre permission, je vous prie, je vous ai ordonné de ne me jamais reparler de lui ; mais si vous vouliez entamer une autre négociatio