Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/152

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SÉBASTIEN.--Probablement vous avez tué beaucoup de ses sujets.

ANTONIO.--Mon offense n’est pas d’une nature si sanguinaire ; quoique les
circonstances et la querelle nous missent bien en droit d’en venir à cet
argument sanglant. On aurait pu l’apaiser depuis en restituant ce que
nous avions pris : et c’est ce que firent la plupart des citoyens de
notre ville, pour l’intérêt du commerce : il n’y a eu que moi seul qui ai
refusé ; et à cause de cela, si j’étais surpris ici, je le payerais cher.

SÉBASTIEN.--Ne vous montrez donc pas trop ouvertement.

ANTONIO.--Cela ne serait pas prudent à moi. Tenez, monsieur, voilà
ma bourse : la meilleure auberge où vous puissiez loger, c’est à
l’Éléphant, dans les faubourgs du midi. Je vais y commander notre
repas, tandis que vous passerez le temps et que vous satisferez votre
curiosité en voyant la ville, vous me retrouverez là.

SÉBASTIEN.--Pourquoi aurais-je votre bourse ?

ANTONIO.--Peut-être vos yeux tomberont-ils sur quelque bagatelle qu’il
vous prendra envie d’acheter ; et vos fonds, à ce que j’imagine, ne sont
pas destinés à de frivoles emplettes.

SÉBASTIEN.--Je serai votre porte-bourse, et je vous quitte pour une
heure.

ANTONIO.--À l’Éléphant….

SÉBASTIEN.--Je m’en souviens bien.

SCÈNE IV.
Le jardin d’Olivia.

OLIVIA, MARIE.

OLIVIA, à part.--J’ai envoyé après lui. Je suppose qu’il dise qu’il
viendra…, comment le fêterai-je ? Quel don lui ferai-je ? car la
jeunesse aime plus souvent à se faire acheter qu’elle ne se donne ou
ne se prête… Je parle trop haut.--Où est Malvolio ? --Il est grave et
civil ; et c