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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/184

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tous ces serments, que ce globe
garde le feu qui sépare le jour de la nuit.

LE DUC.--Donne-moi ta main ; et que je te voie avec tes habits de femme.

VIOLA.--Le capitaine qui m’a amenée sur le rivage a mes vêtements de
fille ; il est maintenant en prison pour quelque affaire à la requête de
Malvolio, gentilhomme attaché au service de madame.

OLIVIA.--Il le fera élargir : qu’on fasse venir ici Malvolio. Et
pourtant, hélas ! je me souviens qu’on dit que ce pauvre gentilhomme est
en démence. (Entrent Fabian et le bouffon avec une lettre.) Un accès
de folie des plus violents, que j’ai éprouvé, a banni tout à fait de ma
mémoire l’idée de la sienne.--Comment est-il, drôle ?

LE BOUFFON.--En vérité, madame, il tient Belzébuth à bout de bras,
autant qu’un homme dans son état puisse le faire : il vous a écrit ici
une lettre que je devais vous rendre ce matin ; mais comme les épîtres
d’un fou ne sont pas paroles d’Évangile, il importe peu en quel temps
elles sont remises à leur adresse.

OLIVIA.--Ouvre-la, et lis-la.

LE BOUFFON.--Attendez-vous donc à être édifiée, quand le fou remet la
lettre d’un insensé.--(Lisant.) « Par le Seigneur, madame….. »

OLIVIA.--Comment, es-tu fou ?

LE BOUFFON.--Non, madame : je ne fais que lire de la folie. Si vous
voulez qu’elle soit lue comme il faut, vous pouvez lui prêter vous-même
une voix.

OLIVIA.--Je t’en prie, lis-la en homme qui jouit de sa raison.

LE BOUFFON.--C’est ce que je fais, madame. Pour représenter en lisant
l’état de son esprit, il faut le lire comme je fais : ainsi attention, ma
princesse, et prêtez l’oreille.

OLIVIA, à Fabian.--Lis-la, toi, maraud.

FABIAN prend la lettre et lit.-- « Par le Seigneur, madame, vous me
faites injure, et le monde en sera instruit ; quoique vous m’ayez fait
mettre dans les ténèbres, et que vous ayez donné à votre ivrogne d’oncle
l’empire sur