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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/398

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pour l’épouser. — Avancez, Lysandre. Et celui-ci, mon gracieux duc, a ensorcelé le cœur de mon enfant. C’est toi, c’est toi, Lysandre, qui lui as donné des vers et qui as échangé avec ma fille des gages d’amour. Tu as, à la clarté de la lune, chanté sous sa fenêtre, avec une voix trompeuse, des vers d’un amour trompeur : tu as surpris son imagination avec des bracelets de tes cheveux, avec des bagues, des bijoux, des hochets, des colifichets, des bouquets, des friandises, messagers d’un ascendant puissant sur la tendre jeunesse ! Tu as dérobé avec adresse le cœur de ma fille, et changé l’obéissance qu’elle doit à son père en un âpre entêtement. Ainsi, gracieux duc, dans le cas où elle oserait refuser ici devant Votre Altesse de consentir à épouser Démétrius, je réclame l’ancien privilége d’Athènes. Comme elle est à moi, je puis disposer d’elle ; et ce sera pour la livrer à ce jeune homme ou à la mort, en vertu de notre loi[1], qui a prévu expressément ce cas.

THÉSÉE. — Que répondez-vous, Hermia ? Charmante fille, pensez-y bien. Votre père devrait être un dieu pour vous : c’est lui qui a formé vos attraits : vous n’êtes à son égard qu’une image de cire, qui a reçu de lui son empreinte ; et il est en sa puissance de laisser subsister la figure, ou de la briser. — Démétrius est un digne jeune homme.

HERMIA. — Lysandre aussi.

THÉSÉE. — Il est par lui-même plein de mérite ; mais, dans cette occasion, faute d’avoir l’agrément de votre père, c’est l’autre qui doit avoir la préférence.

HERMIA. — Je voudrais que mon père pût seulement voir avec mes yeux.

THÉSÉE. — C’est plutôt à vos yeux de voir avec le jugement de votre père.

HERMIA. — Je supplie Votre Altesse de me pardonner. Je ne sais pas par quelle force secrète je suis enhardie, ni à quel point ma pudeur peut être compromise, en

  1. Par une loi de Solon, les pères exerçaient sur leurs enfants un droit de vie et de mort