Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/450

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

est-elle devenue si peu jalouse, que je vous trouve dormant près de la haine, sans craindre l’un de l’autre aucune inimitié ?

LYSANDRE. — Mon prince, je vous répondrai avec étonnement, à demi endormi, à demi éveillé : mais en vérité, il m’est encore impossible de dire comment je suis venu en ce lieu. Je présume, car je voudrais vous dire la vérité… et en ce moment, je me rappelle… oui, je me le rappelle, je suis venu ici avec Hermia ; notre dessein était de sortir d’Athènes, afin d’échapper aux dangers de la loi athénienne.

ÉGÉE. — C’est assez, c’est assez, mon prince ; vous en avez assez entendu : je réclame la loi contre lui. — Ils voulaient s’évader ; et par cette fuite, Démétrius, ils voulaient nous frustrer, vous de votre épouse, moi de mon consentement à ce qu’elle devînt votre femme.

DÉMÉTRIUS. — Noble duc, c’est la belle Hélène qui m’a informé de leur évasion dans ce bois, et du dessein qui les y conduisait ; et moi, dans ma fureur, je les ai suivis jusqu’ici ; et la belle Hélène, poussée par sa tendresse, m’a suivie. Mais, mon bon prince, je ne sais par quelle puissance (sans doute par quelque puissance supérieure) mon amour pour Hermia, fondu comme la neige, me semble en ce moment le souvenir confus des vains hochets dont je raffolais dans mon enfance ; et maintenant l’unique objet de ma foi, de toutes les affections de mon cœur, l’objet et le plaisir de mes yeux, c’est Hélène seule ; j’étais fiancé avec elle, mon prince, avant que j’eusse vu Hermia : comme un malade, je me dégoûtai de cette beauté ; mais aujourd’hui bien portant, je reviens à mon goût naturel ; maintenant, je la veux, je l’aime, je la désire, et je lui serai à jamais fidèle[1].

THÉSÉE. — Beaux amants, la rencontre est heureuse. Nous entendrons plus tard les détails de cette aventure. — Égée, je triompherai de votre volonté, tout à l’heure, dans le même temple, avec nous, ces deux couples seront

  1. Ces méprises d’amour ont sans doute donné l’idée du dix-septième chant de la Pucelle.