Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/68

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voix pieuse tentera de vous convertir soit lui-même entraîné par vous dans le crime ; attirez-le et embrasez-le de vos feux profanes, plus puissants que la fumée de ses discours. Ne désertez jamais votre profession ; seulement éprouvez six mois de l’année les peines méritées, et couvrez vos pauvres têtes chauves de la dépouille des morts ; quelques-uns ont été pendus, n’importe, servez-vous-en pour trahir, continuez vos prostitutions, fardez les rides et les pustules de votre visage, jusqu’à ce qu’il devienne un bourbier.

TIMANDRA ET PHRYNIA. Fort bien : encore de l’or. — Eh bien ! sois persuadé que nous ferons tout pour de l’or.

TIMON. Semez la consomption jusque dans la moelle des os des hommes ; frappez leurs jambes décharnées, détruisez la rapidité de leur marche ; étouffez la voix de l’avocat, qu’il ne puisse plus plaider pour de faux titres, et ne fasse plus entendre son aigre fausset pour soutenir des subtilités. Couvrez de lèpre le flamine qui déclame contre la chair, et qui ne se croit pas lui-même. Faites tomber le nez par terre pour qu’il se le casse l’homme qui ne cherche qu’à éventer son avantage particulier au milieu de l’intérêt général. Rendez chauves les débauchés à la tête frisée et que les fanfarons sans cicatrices de la guerre puisent dans votre sein quelque souffrance ! Frappez tous les hommes du même fléau. Que votre activité corrompe et dessèche les sources de toute vigueur. Voilà encore de l’or ; allez, damnez les autres, et que cet or vous damne à votre tour, et que les fossés vous servent à tous de tombeau

TIMANDRA ET PHRYNIA. Encore des avis et encore de l’argent, généreux Timon.

TIAION. Encore plus de prostituées et plus de maux d’abord. Commencez votre tâche ; je vous ai donné des arrhes.

ALCIBIADE.—Tambours ! battez. Marchons vers Athènes. Adieu, Timon ; si je prospère, je reviendrai te revoir.

TIMON.—Et moi, si mon espoir est accompli, je ne te reverrai jamais.

ALCIBIADE.—Je ne t’ai jamais fait de mal.