Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 5.djvu/108

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Oh ! combien insensible est l’espace qui sépare les diverses volontés d’une femme ! — Un complot contre les jours de son vertueux époux, et mon frère pris en échange !… Là, je vais te cacher dans le sable, message impie de deux impudiques assassins – Quand il en sera temps, ce fâcheux papier frappera les yeux du duc dont on machine la perte. Il est heureux pour lui que je puisse lui apprendre à la fois et ta mort et l’affaire dont tu étais chargé.

Edgar sort traînant dehors le corps d’Oswald.

Glocester. – Le roi est fou. Oh ! combien est donc tenace mon odieuse raison, puisque je résiste et que j’ai le sentiment bien net de mes énormes chagrins ! Il vaudrait bien mieux avoir perdu l’esprit : mes pensées alors seraient séparées de mes peines ; et les erreurs de l’imagination ôtent aux douleurs la connaissance d’elles-mêmes.

Rentre Edgar.

Edgar. – Donnez-moi votre main : il me semble entendre au loin le bruit des tambours – Venez, vieux père, je vais vous confier à un ami.



Scène VII

Une tente dans le camp des Français. Lear est endormi sur un lit ; près de lui sont un médecin, le gentilhomme et plusieurs autres personnes. Entrent Cordélia et Kent.

Cordélia. – O toi, bon Kent, comment ma vie et mes efforts pourront-ils suffire à m’acquitter de tes bienfaits ? Ma vie sera trop courte, et tous mes moyens sont faibles pour y atteindre.

Kent. – Voir mes soins reconnus, madame, c’est en être trop payé. Tous mes récits sont d’accord avec la simple vérité : je n’ai rien ajouté, rien retranché ; je vous ai dit les choses comme elles sont.

Cordélia. – Prenez de meilleurs vêtements ; ces habits me rappellent trop des heures cruelles. Je t’en prie, quitte-les.