Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 5.djvu/37

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Appelez ma suite – Bâtarde dégénérée, je ne te causerai plus d’embarras – Il me reste encore une fille.

Gonerille. – Vous frappez mes gens, et votre canaille désordonnée veut se faire servir par ceux qui valent mieux qu’elle.

Entre Albanie.

Lear. – Malheur à celui qui se repent trop tard ! A Albanie. — Ah ! vous voilà, monsieur ! Sont-ce là vos intentions ? parlez, monsieur – Qu’on prépare mes chevaux – Ingratitude ! démon au cœur de marbre, plus hideuse quand tu te montres dans un enfant que ne l’est le monstre de la mer !

Albanie. – De grâce, seigneur, modérez-vous.

Lear, à Gonerille – Vautour détesté, tu mens : les gens de ma suite sont des hommes choisis et du plus rare mérite, soigneusement instruits de leurs devoirs, et de la dernière exactitude à soutenir la dignité de leur nom – Oh ! combien tu me parus laide à voir, faute légère de Cordélia, qui, semblable à la géhenne, fis tout sortir dans la structure de mon être de la place qui lui était assignée, retiras tout amour de mon cœur, et vins grossir en moi le fiel. O Lear, Lear, Lear ! Se frappant le front. Frappe à cette porte, qui a laissé échapper la raison et entrer la folie – Partons, partons, mes amis.

Albanie. – Seigneur, je suis aussi innocent qu’ignorant de ce qui vous a mis en colère.

Lear. – Cela se peut, seigneur – Entends-moi, ô nature ! entends-moi, divinité chérie, entends-moi ! Suspens tes desseins, si tu te proposais de rendre cette créature féconde : porte dans son sein la stérilité, dessèche en elle les organes de la reproduction, et qu’il ne naisse jamais de son corps dégénéré un enfant pour lui faire honneur ! — Ou s’il faut qu’elle produise, fais naître d’elle un enfant de tristesse ; qu’il vive pervers et dénaturé pour être son tourment ; qu’il imprime dès la jeunesse