Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 5.djvu/509

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égalant la mienne. N’est-ce pas ce que vous avez dit ?

Marina : J’ai dit, seigneur, que si vous connaissiez ma parenté, vous me regarderiez sans courroux.

Périclès : Je le pense. Je vous prie, tournez encore les yeux vers moi. Vous ressemblez… Quelle est votre patrie ? êtes-vous née sur ce rivage ?

Marina : Non, ni sur aucun rivage ; cependant je suis venue au monde d’après les lois de la nature, et ne suis pas autre que je parais.

Périclès : Je suis accablé de douleur et j’ai besoin de pleurer. Mon épouse était comme cette jeune fille, et ma fille aurait aussi pu lui ressembler. C’est là le front de ma reine, sa taille mince comme celle du souple roseau, sa voix argentine, ses yeux brillants comme une pierre précieuse et ses douces paupières, sa démarche de Junon, sa voix qui rendait l’oreille affamée de l’entendre. Où demeurez-vous ?

Marina : Dans un lieu où je ne suis qu’étrangère : d’ici vous pouvez le voir.

Périclès : Où fûtes-vous élevée, où avez-vous acquis ces grâces dont votre beauté relève encore le prix ?

Marina : Si je vous racontais mon histoire, elle vous semblerait une fable absurde.

Périclès : Je t’en supplie, parle ; le mensonge ne peut sortir de ta bouche ; tu parais modeste comme la justice, tu me sembles un palais digne de la royale vérité. Je te croirai, je persuaderai à mes sens tout ce qui paraîtrait impossible, car tu ressembles à celle que j’aimai jadis. Quels furent tes amis ? ne disais-tu pas, quand j’ai voulu te repousser (au moment où je t’ai aperçue), que tu avais une illustre origine ?

Marina : Oui, je l’ai dit.

Périclès : Eh bien ! quelle est ta famille ? Je crois que tu as dit aussi que tu avais souffert de nombreux outrages, et que tes malheurs seraient égaux aux miens s’ils étaient connus et comparés.

Marina : Je l’ai dit, et n’ai rien dit que ma pensée ne m’assure être véridique.

Périclès : Dis ton histoire. Si tu as souffert la mil-