Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 5.djvu/61

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Cornouailles. – Quelle est cette trompette ?

Régane. – Je la reconnais, c’est celle de ma soeur. Sa lettre m’apprenait en effet qu’elle serait bientôt ici – Votre maîtresse est-elle arrivée ?

Lear, regardant l’intendant – Voilà un esclave qui se revêt à peu de frais d’un orgueil fondé sur la fragile faveur de sa maîtresse – Hors d’ici, valet, loin de ma présence.

Cornouailles. – Que veut dire Votre Seigneurie ?

Lear. – Qui a mis mon serviteur dans les ceps ? Régane, je me flatte que tu n’en as rien su. Entre Gonerille. — Qui vient ici ? — O cieux, si vous aimez les vieillards, si votre douce autorité recommande l’obéissance, si vous-mêmes vous êtes vieux, faites de ceci votre cause ; faites descendre votre puissance sur la terre, et prenez mon parti. A Gonerille. — Tu n’as pas honte de voir cette barbe ? — O Régane ! lui prendras-tu la main ?

Gonerille. – Eh ! pourquoi ne prendrait-elle pas ma main, seigneur ? Quelle offense ai-je commise ? N’est pas offense tout ce que l’indiscrétion tourne de cette manière, tout ce que le radotage peut nommer ainsi.

Lear. – O mes flancs, vous êtes trop solides ! Pourquoi ne rompez-vous pas ? — Comment se fait-il qu’on ait mis un de mes gens dans les ceps ?

Cornouailles. – C’est moi, seigneur, qui l’y ai fait mettre. Ses sottises ne méritaient pas à beaucoup près tant d’honneur.

Lear. – C’est vous, vous qui l’avez fait ?

Régane. – Je vous en prie, mon père, puisque vous êtes faible, prenez-en votre parti – Si, jusqu’à l’expiration de votre mois, vous voulez retourner chez ma sœur et demeurer avec elle, en congédiant la moitié de vos gens, venez ensuite chez moi : je n’y suis point à présent, et n’ai pas fait les préparatifs nécessaires pour vous recevoir.

Lear. – Retourner chez elle, et cinquante de mes chevaliers congédiés ! Non, j’abjure plutôt les toits, et je préfère m’exposer à la haine des vents ; je deviendrai le compagnon du loup et de la chouette ! — Poignantes étreintes de la nécessité ! — Retourner chez elle !