Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 5.djvu/74

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le malin esprit. Oh ! si je pouvais le tenir ici, et là, — et là, — et encore là, — et puis encore là !

La tempête continue.

Lear. – Quoi ! ses filles l’ont-elles réduit à cette extrémité ? — N’as-tu pu rien garder ? leur as-tu donné tout ?

Le fou. – Non, il s’est réservé une couverture ; autrement nous aurions tous honte de le regarder.

Lear. – Puissent tous les fléaux que, dans les airs flottants, une fatale destinée tient suspendus sur les crimes des hommes, se précipiter aujourd’hui sur tes filles !

Kent. – Il n’avait pas de filles, seigneur.

Lear. – Par la mort ! traître ! rien dans le monde que des filles ingrates ne pouvait réduire la nature à ce point de dégradation. Est-ce donc la coutume aujourd’hui que les pères chassés trouvent si peu de pitié pour leur corps ? — Juste châtiment ! c’est ce corps qui a engendré ces filles de pélican.

Edgar. – Pillicock était sur la montagne de Pillicock. Holà ! holà ! hoé ! Hoé !

Le fou. – Cette froide nuit fera de nous tous des fous et des frénétiques.

Edgar. – Garde-toi du malin esprit ; obéis à tes parents ; garde loyalement ta foi ; ne jure point ; ne commets point le péché avec celle qui a promis à un autre homme la fidélité d’épouse ; ne donne point de vaine parure à ta maîtresse – Tom a froid.

Lear. – Qui étais-tu ?

Edgar. – Un homme de service, vain de cœur et d’esprit : je frisais mes cheveux, je portais des gants à mon chapeau ; je servais les ardeurs de ma maîtresse, et commettais avec elle l’acte de ténèbres – Je proférais autant de serments que de mots, et je me parjurais à la face débonnaire du ciel. J’étais un homme qui s’endor-