Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 5.djvu/90

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Le vieillard. – Je vais lui apporter le meilleur habit que je possède, arrive ce qui pourra.

Il sort.

Glocester. – Mon garçon, pauvre homme tout nu.

Edgar. – Pauvre Tom a froid. A part. — Je ne saurais le tromper plus longtemps.

Glocester. – Viens près de moi, ami.

Edgar. – Et cependant il le faut encore – Que le ciel guérisse tes chers yeux ; ils saignent.

Glocester. – Sais-tu le chemin de Douvres ?

Edgar. – Grille ou barrière, grand chemin ou sentier. Le pauvre Tom a été privé de son bon sens ; cinq démons sont entrés à la fois dans le pauvre Tom. Que l’honnête homme soit préservé du malin esprit Obbidicut, le démon de la luxure ; Hobbididance, le prince des muets ; Mahu, le démon du vol ; Modo, celui du meurtre ; et Flibbertigibbet, celui des contorsions et des grimaces, qui maintenant possède les femmes de chambre et les suivantes. Sur ce, béni sois-tu, maître.

Glocester. – Tiens, prends cette bourse, toi que les fléaux du ciel ont accablé de tous leurs traits : mon infortune va te rendre plus heureux. Dieux, agissez toujours ainsi : que celui qui regorge de biens et se nourrit de voluptés, qui met vos commandements sous ses pieds, et ne voit pas parce qu’il ne sent pas, sente promptement votre puissance. Ainsi une juste distribution détruirait l’excès, et chaque homme aurait le nécessaire – Connais-tu Douvres ?

Edgar. – Oui, maître.

Glocester. – Là s’élève un rocher dont la haute tête s’avance et se regarde avec terreur dans la mer retenue à ses pieds ; conduis-moi seulement à la pointe de sa cime, et j’ai sur moi quelque chose d’assez précieux pour te sortir de la misère que tu endures : une fois là, je n’aurai plus besoin de guide.

Edgar. – Donne-moi ton bras ; le pauvre Tom va te conduire.

Ils sortent.