Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 5.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dans nos champs silencieux : déjà celui qui t’apporte la mort, le casque couvert de plumes, commence à te menacer ; et toi, vertueux imbécile, tu demeures tranquille à crier : Hélas ! pourquoi se conduit-il ainsi ?

Albanie. – Regarde-toi, furie ! La difformité des démons ne paraît pas aussi horrible en eux que dans une femme.

Gonerille. – Oh ! quel fou ridicule !

Albanie. – Être mensonger, et qui te sers à toi-même de masque, prends garde que tes traits ne deviennent ceux d’un monstre : si je voulais permettre à mes mains de suivre le mouvement de mon sang, elles ne seraient que trop disposées à briser, à déchirer ta chair et tes os ; mais, quoique tu sois un démon, la figure d’une femme te protège.

Gonerille. – Vraiment, vous voilà du courage maintenant !

Entre un messager.

Albanie. – Quelles nouvelles ?

Le messager. – O mon bon seigneur, le duc de Cornouailles est mort : il a été tué par un de ses serviteurs au moment où il allait crever l’œil qui restait au comte de Glocester.

Albanie. – Les yeux de Glocester !

Le messager. – Un serviteur qu’il avait élevé, saisi de compassion, a voulu s’opposer à ce dessein, en tirant l’épée contre son puissant maître, qui, furieux, s’est élancé sur lui : ils l’ont percé à mort, mais non pas avant que le duc eût reçu le coup funeste qui l’a enlevé bientôt après.

Albanie. – Ceci montre que vous êtes là-haut, justiciers qui vengez si promptement les crimes commis par nous sur la terre ! Mais ce pauvre Glocester, a-t-il perdu son autre œil ?

Le messager. – Tous les deux, tous les deux, mon seigneur – Cette lettre, madame, exige une prompte réponse ; elle est de votre soeur.

Gonerille, à part – D’un côté, ceci me plaît assez – Mais à présent que la voilà veuve, et mon glocester au-