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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 7.djvu/138

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par le secours du ciel et le vôtre, nobles, qui êtes le nerf de notre puissance, la France une fois à nous, ou nous la plierons à notre joug, ou nous la mettrons en pièces : ou bien l’on nous verra, assis sur son trône, gouvernant comme un grand et vaste empire tous ses riches duchés qui valent presque des royaumes, ou bien nous déposerons ces ossements dans une urne sans gloire, privés de sépulture et sans aucun monument qui conserve notre souvenir. Il faut que notre histoire célèbre hautement, à pleine voix, nos exploits, ou que notre tombeau, muet comme l’esclave du sérail, ne nous accorde même pas l’honneur d’une épitaphe de cire. (Entrent les ambassadeurs de France.) Nous voici maintenant disposé à connaître les intentions de notre cher cousin, le dauphin ; car nous apprenons que vous nous saluez de sa part, et non de celle du roi.

L’ambassadeur. — Votre Majesté veut-elle nous permettre d’exposer librement la commission dont nous sommes chargés ? autrement, nous nous bornerons à lui faire entendre, avec réserve et sous des termes enveloppés, l’intention du dauphin et notre ambassade.

Le roi. — Nous ne sommes point un tyran, mais un roi chrétien : nos passions nous obéissent en silence, enchaînées à notre volonté comme les criminels qui sont aux fers dans nos prisons : ainsi déclarez-nous les intentions du dauphin avec une franchise ouverte et sans contrainte.

L’ambassadeur. — Les voici en peu de mots. Votre Altesse, par ses députés qu’elle a dernièrement envoyés en France, a revendiqué certains duchés sous prétexte des droits de votre glorieux prédécesseur le roi Édouard III. En réponse à cette prétention, le prince, notre maître, dit que vous vous ressentez trop de votre jeunesse, et il vous avertit de bien songer qu’il n’est en France aucun domaine qu’on puisse conquérir avec une gaillarde[1] et que vous ne pouvez introduire vos fêtes dans ces duchés :

  1. Une gaillarde, danse du temps.