Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 7.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

veux montrer quelque clémence. Allons, suis-moi ! le page. — Suivez, vous, le grand capitaine. (Le soldat et Pistol s’en vont.) Je n’ai, ma foi, encore jamais vu une voix aussi bruyante sortir d’un cœur aussi vide : aussi cela vérifie bien le proverbe qui dit : Que les tonneaux vides sont les plus sonores. Bardolph et Nym avaient cent fois plus de courage que ce diable de hurleur qui, comme celui de nos antiques farces, se rogne les ongles avec un poignard de bois. Tout le monde en peut faire autant. Ils sont pourtant tous deux pendus : et il y a longtemps que celui-ci aurait été leur tenir compagnie, s’il osait voler quelque chose sans regarder derrière lui. Il faut donc que je reste, moi, avec les goujats qui ont la garde du bagage de notre camp. Les Français feraient un beau butin sur nous, s’ils le savaient ; car il n’y a personne pour le garder que des enfants.

(Il sort.)


Scène V

Autre partie du champ de bataille. Bruits de guerre. LE CONNÉTABLE, LE DUC D’ORLÉANS, BOURBON LE DAUPHIN ET RAMBURE.

Le connétable. — O diable !

Le Duc d’Orléan. — Ah ! seigneur ! le jour est perdu, tout est perdu !

Le dauphin. — Mort de ma vie ! tout est détruit : tout ! La honte se pose avec un rire moqueur sur nos panaches, et nous couvre d’un opprobre éternel. O méchante fortune ! — Ne nous abandonne pas.

(Bruit de guerre d’un moment.)

Le connétable. — Allons, tous nos rangs sont rompus.

Le dauphin. — O honte qui ne passera point ! Poignardons-nous nous-mêmes. Sont-ce là ces misérables soldats dont nous avons joué le sort aux dés ?

Le Duc d’Orléan. — Est-ce là le roi à qui nous avons envoyé demander sa rançon ?