que tu viens de faire m’aurait plu bien davantage, si tu descendais d’une autre maison. Mais, porte-toi bien, tu es un brave jeune homme ; je voudrais que tu te fusses dit d’un autre père !
(Frédéric sort avec sa suite et Le Beau.)
CÉLIE.—Si j’étais mon père, cousine, en agirais-je ainsi ?
ORLANDO.—Je suis plus fier d’être le fils du chevalier Rowland, le plus jeune de ses fils, et je ne changerais pas ce nom pour devenir l’héritier adoptif de Frédéric.
ROSALINDE.—Mon père aimait le chevalier Rowland comme sa propre âme, et tout le monde avait pour lui les sentiments de mon père : si j’avais su plus tôt que ce jeune homme était son fils, je l’aurais conjuré en pleurant plutôt que de le laisser s’exposer ainsi.
CÉLIE.—Allons, aimable cousine, allons le remercier et l’encourager. Mon cœur souffre de la dureté et de la jalousie de mon père.—Monsieur, vous méritez des applaudissements universels ; si vous tenez aussi bien vos promesses en amour que vous venez de dépasser ce que vous aviez promis, votre maîtresse sera heureuse.
ROSALINDE, lui donnant la chaîne qu’elle avait à son cou.—Monsieur, portez ceci en souvenir de moi, d’une jeune fille disgraciée de la fortune, et qui vous donnerait davantage, si sa main avait des dons à offrir.—Nous retirons-nous, cousine ?
CÉLIE.—Oui.—Adieu, beau gentilhomme.
ORLANDO.—Ne puis-je donc dire : je vous remercie ! Tout ce qu’il y avait de mieux en moi est renversé, ce qui reste devant vous n’est qu’une quintaine[1], un bloc sans vie.
ROSALINDE.—Il nous rappelle : mon orgueil est tombé avec ma fortune. Je vais lui demander ce qu’il veut.—Avez-vous appellé, monsieur ? monsieur, vous avez lutté
- ↑ Quintaine, poteau fiché en plaine auquel on suspendait un bouclier qui servait de but aux javelots, ou aux lances, dans les joutes :
- Lasse enfin de servir au peuple de quintaine.