Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 4.djvu/235

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Scène III

Appartement du palais.

Entrent CÉLIE et ROSALINDE.

CÉLIE.—Quoi, cousine ! quoi, Rosalinde ! —Amour, un peu de pitié ! Quoi, pas un mot !

ROSALINDE.—Pas un mot à jeter à un chien[1].

CÉLIE.—Non ; tes paroles sont trop précieuses pour être jetées aux roquets, mais jettes-en ici quelques-unes ; allons, estropie-moi avec de bonnes raisons.

ROSALINDE.—Alors il y aurait deux cousines d’enfermées, l’une serait estropiée par des raisons[2], et l’autre folle sans aucune raison.

CÉLIE.—Mais tout ceci regarde-t-il votre père ?

ROSALINDE.—Non ; il y en a une partie pour le père de mon enfant[3].—Oh ! que le monde de tous les jours est rempli de ronces !

CÉLIE.—Ce ne sont que des chardons, cousine, jetés sur toi par jeu dans la folie d’un jour de fête : mais si nous ne marchons pas dans les sentiers battus, ils s’attacheront à nos jupons.

ROSALINDE.—Je les secouais bien de ma robe ; mais ces chardons sont dans mon cœur.

CÉLIE.—Chasse-les en faisant : hem ! hem !

ROSALINDE.—J’essayerais, s’il ne fallait que dire hem et l’obtenir.

CÉLIE.—Allons, allons, il faut lutter contre tes affections.

ROSALINDE.—Oh ! elles prennent le parti d’un meilleur lutteur que moi !

  1. Expression proverbiale.
  2. Lame me with reasons, rends-moi boiteuse par de bonnes raisons.

    On a dernièrement voulu prouver par ces mots que Shakspeare était boiteux en traduisant : Prouvez-moi que je suis boiteux. On a compté combien de fois le mot lame était dans ses œuvres ; et chaque fois a été une preuve.

  3. Mon futur époux.