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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 4.djvu/385

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être de notre sang et de notre famille, que ne l’est tout autre descendant de Deucalion. Souviens-toi de mes paroles, et suis-nous à la cour.—Toi, paysan, quoique tu aies mérité notre colère, nous t’affranchissons pour le présent de son coup mortel.—Et vous, enchanteresse, assez bonne pour un pâtre, oui, et pour lui aussi, car il se rendrait indigne de nous s’il ne s’agissait de notre honneur,—si jamais tu lui ouvres à l’avenir l’entrée de cette cabane, ou que tu entoures son corps de tes embrassements, j’inventerai une mort aussi cruelle pour toi que tu es délicate pour elle.

(Il sort.)

PERDITA.—Perdue sans ressources, en un instant ! Je n’ai pas été fort effrayée ; une ou deux fois j’ai été sur le point de lui répondre, et de lui dire nettement que le même soleil qui éclaire son palais ne cache point son visage à notre chaumière, et qu’il les voit du même œil. (A. Florizel.) Voulez-vous bien, monsieur, vous retirer ? Je vous ai bien dit ce qu’il adviendrait de tout cela. Je vous prie, prenez soin de vous ; ce songe que j’ai fait, j’en suis réveillée maintenant, et je ne veux plus jouer la reine en rien.—Mais je trairai mes brebis, et je pleurerai.

CAMILLO, au berger.—Eh bien ! bon père, comment vous trouvez-vous ? Parlez encore une fois avant de mourir.

LE BERGER.—Je ne peux ni parler, ni penser, et je n’ose pas savoir ce que je sais. (A Florizel.) Ah ! monsieur, vous avez perdu un homme de quatre-vingt-trois ans, qui croyait descendre en paix dans sa tombe ; oui, qui espérait mourir sur le lit où mon père est mort, et reposer auprès de ses honnêtes cendres ; mais maintenant quelque bourreau doit me revêtir de mon drap mortuaire, et me mettre dans un lieu où nul prêtre ne jettera de la poussière sur mon corps. (A Perdita.) O maudite misérable ! qui savais que c’était le prince, et qui as osé l’aventurer à unir ta foi à la sienne.—Je suis perdu ! je suis perdu ! Si je pouvais mourir en ce moment, j’aurais vécu pour mourir à l’instant où je le désire.

(Il sort.)

FLORIZEL, à Perdita.—Pourquoi me regardez-vous