Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 4.djvu/406

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LE GENTILHOMME.—Je vous rends la chose sans ordre.—Mais les changements que j’ai aperçus sur les visages du roi et de Camillo étaient singulièrement remarquables : ils semblaient, pour ainsi dire, en se regardant l’un l’autre, faire sortir leurs yeux de leurs orbites ; il y avait un langage dans leur silence, et leurs gestes parlaient : à leurs regards, on eût dit qu’ils apprenaient le salut ou la perte d’un monde ; tous les symptômes d’un grand étonnement éclataient en eux, mais l’observateur le plus pénétrant, qui ne savait que ce qu’il voyait, n’aurait pu dire si leur émotion était de la joie ou de la tristesse : toujours est-il certain que c’était l’une ou l’autre poussée à l’extrême.

(Survient un autre gentilhomme.)

PREMIER GENTILHOMME.—Voici un gentilhomme qui peut-être en saura davantage. Quelles nouvelles, Roger ?

SECOND GENTILHOMME.—Rien que feux de joie. L’oracle est accompli, la fille du roi est retrouvée ; tant de merveilles se sont révélées dans l’espace d’une heure, que nos faiseurs de ballades ne pourront jamais les célébrer.

(Arrive un troisième gentilhomme.)

SECOND GENTILHOMME.—Mais voici l’intendant de madame Pauline, il pourra vous en dire davantage.—(A l’intendant.) Eh bien ! monsieur, comment vont les choses à présent ? Cette nouvelle, qu’on assure vraie, ressemble si fort à un vieux conte, que sa vérité excite de violents soupçons. Est-il vrai que le roi a retrouvé son héritière ?

TROISIÈME GENTILHOMME.—Rien n’est plus vrai, si jamais la vérité fut prouvée par les circonstances. Ce que vous entendez, vous jureriez le voir de vos yeux, tant il y a d’accord dans les preuves : le mantelet de la reine Hermione,—son collier autour du cou de l’enfant,—les lettres d’Antigone, trouvées avec elle, et dont on reconnaît l’écriture,—les traits majestueux de cette fille et sa ressemblance avec sa mère,—un air de noblesse que lui a imprimé la nature, et qui est au-dessus de son éducation,—et mille autres preuves évidentes proclament